Bien’ici Corporate / Actualités / "Si la demande repart, les promoteurs bretons seront capables d'y répondre" - Interview de Nolwenn Lam-Kermarrec, présidente de la chambre régionale de la FPI Bretagne
L'immobilier neuf en Bretagne connait un recul important du marché. Le volume des réservations au premier semestre 2024 est de 1 410. Nous projetons de réaliser 2 800 réservations d'ici à la fin de l'année, là où la moyenne sur les 10 dernières années était de 4 800 ventes.
Nous constatons un recul des réservations de 47 % par rapport au premier semestre 2022 et de 56 % par rapport à 2021. Nous ne nous attardons pas sur les chiffres de 2023 car nous étions déjà en situation de crise de la demande.
La Bretagne n'a pourtant été touchée qu'au 1er semestre 2022 car, contrairement à l'ensemble du territoire, nous n'avions pas de contraction du marché grâce aux municipalités qui continuaient à délivrer des permis de construire dans les grandes villes et agglomérations.
Ces autorisations sont en baisse de 5 % tandis que les mises en chantier diminuent de 19 % sur les 12 derniers mois.
Les projets modifiés, voire abandonnés, sont en augmentation. Cela témoigne de la difficulté des opérations à être mises en place.
Le logement est un sujet majeur pour les différents élus de la Région Bretagne, notamment via l'organisation d'Assises du logement depuis 2022. Ils estiment le besoin de logement à 23 000 pour accueillir les nouveaux arrivants et absorber le phénomène de décohabitation.
L'absence de logements neufs impacte bien entendu le marché locatif. Sur l'ensemble de notre territoire, nous comptabilisons 5,5 demandes pour un logement. A Rennes - qui concentre 40 à 50 % du marché breton -, ce chiffre atteint 6,5 en raison de la demande étudiante (80 000 étudiants pour 200 000 logements). Sur les zones côtières de Brest, Vannes, Lorient et Saint-Malo, la tension reste extrêmement forte.
Si la demande repart, les promoteurs bretons seront capables d'y répondre car nous estimons disposer de 30 mois d'offre. C'est le message que nous appuyons auprès des députés et des services de l’État pour que de bonnes décisions soient prises.
La Bretagne est un territoire extrêmement attractif, avec un taux de chômage de seulement 6%, et des tissus économiques et touristique solides.
Outre les règlements de construction spécifique au littoral, la Bretagne est également impactée par la loi Zéro Artificialisation Nette. Plusieurs projets d'aménagement ont déjà été abandonnés en attendant l'état des lieux des ressources à disposition. La Région s'est d'ailleurs emparée du sujet avec intérêt.
Les professionnels et les communes restent inquiets des coûts et délais induits par cette nouvelle manière de construire. Ils craignent d'une part, l'utilisation trop rapide de leur capacité d'extension urbaine, et d'autre part le temps nécessaire pour faire accepter aux riverains la nécessité de construire la ville sur elle-même.
Concernant le dispositif d'investissement locatif Pinel, le préfet a su être proactif en élargissant l'accès au "Pinel breton", qui concerne désormais 111 villes à la suite du changement de zonage du 5 juillet. Cependant, le dispositif reste insuffisamment attractif avec une décote des loyers de 15 % pour des prix d'achat qui se stabilisent à 4 682 € le m² en moyenne en Bretagne au 1er semestre 2024. La machine reste grippée pour les promoteurs avec les contraintes de construction fortes du Pinel+ et le découragement des investisseurs alors que le besoin en logements intermédiaires reste prégnant.
La Bretagne est traditionnellement une terre de propriétaires avec beaucoup de maisons individuelles. Les constructeurs de maisons individuelles souffrent le plus de cette contraction du marché, qui a commencé brutalement avant la crise de la construction collective avec l'arrêt du dispositif Pinel notamment.
Nous constatons un recul significatif des investisseurs et bien évidemment des propriétaires occupants mais la répartition reste équitable entre ces deux profils. Les primo-accédants n'arrivent plus à se loger en raison des prix immobiliers et de difficultés d'accès au crédit. Les territoires côtiers sont attractifs mais le foncier y est cher. Les normes de construction plus importantes ne permettent pas aux professionnels de diminuer leurs prix de revient et de vente.
La baisse des réservations des particuliers n'a pas été contrebalancée par les institutionnels. D'après nos évaluations, sur les 30 000 logements vendus en bloc au premier semestre 2024, seuls 0,5 à 1 % aurait été réalisé dans notre région.
Je suis pleinement engagée pour trouver des solutions pour sortir de cette crise. Je rencontre régulièrement les députés régionaux et les services de l’Etat pour faire état de la situation et engager un discours de pédagogie. Il est important de casser cette idée d'un marché qui s'autorégule et qu'il "suffirait" aux promoteurs de réduire leur marge pour relancer le marché.
La FPI a également pour rôle d'accompagner les agglomérations dans la définition de leurs PLH, PLU et PLUI et leurs stratégies de construction de logements sociaux.
Cette crise que nous traversons a au moins l'avantage de faciliter l'échange et l'écoute avec nos différents interlocuteurs pour leur partager notre savoir-faire en tant que promoteur.
Le groupe Kermarrec a été fondé en 1985. C'est un groupe familial avec deux dirigeants à la tête de l'entreprise, capable de répondre à tous les enjeux du territoire breton (résidentiel, tertiaire et industriel).
Hervé Kermarrec a la charge de l'activité de commercialisation classique (les agences immobilières) et de commercialisation d'immobilier d'entreprise sur la Bretagne et les Pays de la Loire.
Je dirige la partie promotion immobilière principalement en Bretagne. Nous gérons tous les types de projets : collectif, terrain à bâtir, bureaux, locaux d'activité, du "clé en main", locaux industriels, résidences gérées en co-promotion avec des gestionnaires.